Le “monde d’après” des festivals

Paresseux Scribouillard
4 min readMay 18, 2020

Sur Twitter, via les tribunes et les chroniques de différents médias on à vu émerger un appel à penser un “monde d’après” la pandémie qui sévit depuis pratiquement 6 mois au niveau mondial.

Certains ont voulu exprimer leur désir de construire des sociétés meilleures, certains prouvent déjà au contraire qu’ils comptent bien faire pour que rien ne change. Mais toutes ces interventions médiatiques me semblent louper un aspect important.

Le monde d’après, qu’il se matérialise selon nos souhaits, qu’il ne soit qu’une redite du pire de ce que l’on a pu voir ces derniers mois, est déjà là. Nous y sommes déjà et de manière durable quant aux pratiques dans tous les aspects de notre vie qu’il va impliquer et ce de manière possiblement permanente.

Quand bien même cette pandémie s’arrêterait cet été (je n’ai pas les compétences pour donner un quelconque avis sur la probabilité de ce fait) nous avons déjà basculés dans un après. Parce que les modèles de gestion du risque, tant en entreprise, qu’au niveau des villes des régions et des états vont devoir tenir compte d’un nouveau type de risque : la pandémie. Ce qui n’était pas le cas dans la plupart des pays occidentaux, en Europe par exemple.

Et cela va supposer des modifications importantes de nos habitudes collectives au minimum le temps qu’un vaccin soit trouvé et appliqué/applicable. A supposer que l’on trouve un vaccin et qu’il soit largement distribué/appliqué.

Je n’ai pas de compétences médicales, et mes connaissances dans ce domaine sont minimes au mieux. En revanche, il est un domaine où je m’y connais un peu plus : la musique live, les concerts et les festivals.

Dans ce domaine je suis probablement un “amateur éclairé”. Ces 10 dernières années, j’ai voyagé en France et dans divers pays, des fois pour un seul concert sur 1 ou 2 jours. Des fois plusieurs semaines pour assister à un festival.

Au fil des années, j’ai pu nouer des amitiés avec des personnes bien plus impliquées que moi dans ce domaine, du simple bénévole au membre du comité d’association organisant certains des plus grands festivals de France.

Cela ne fait absolument pas de moi un expert, mais ayant un aperçu des structures économiques des festivals (les subventions qu’ils peuvent toucher, les partenariats/mécénats avec les grandes entreprises qui sont habituellement leurs sponsors) de leur répartition en Europe, des contraintes qu’ils subissent, je pense avoir au moins une vue d’ensemble basique.

Et une conclusion s’est imposé à moi en apprenant le report de nombre de festivals à l’année prochaine : je suis profondément sceptique quant à la tenue de certains festivals l’année prochaine.

J’aime profondément la musique live, et au fil des années j’ai dépensé des milliers d’euros, que ce soit pour un concert/club, en festival. A Paris, Barcelone, Berlin, Lyon, Rennes, Dublin, Londres ou Saint-Malo. Mais il s’agit d’une question de confiance. Et les conditions pour instaurer cette confiance me paraissent avoir été durablement altérées.

Rien ne me ferait plus plaisir que d’aller, comme chaque année, profiter de la programmation de la Route du Rock par exemple. Dans certains moments difficiles de ma vie, le prochain concert auquel j’irais, le prochain festival que j’envisageais était une des seules motivations qui me permettait de sortir des idées noires que j’avais. Mais maintenant, peut-on attendre des gens qu’ils se tassent sur la plage comme les années précédentes comme si de rien n’était ?

Plus compliqué encore, peut-on attendre des gens qu’ils se tassent dans une salle de concert ?

Faudra-t-il imposer des masques ? Restreindre la vente de tickets (mais comment atteindre les seuils de rentabilité alors que nombre sont à peine à l’équilibre) ? Voire restreindre géographiquement à des citoyens d’un pays uniquement pour éviter de possibles cas de recontamination en cas de doute ?

C’est là qu’apparaît la question de la prise en compte durable d’un nouveau type de risque dans la liste des catastrophes naturelles, la pandémie. Dans les pays à risque sismique par exemple, il ne s’agit pas de penser qu’une fois qu’un séisme (et ses répliques) est passé, il n’y en aura pas d’autres. Il s’agit d’intégrer ce nouvel état de fait dans la vie quotidienne des populations.

J’espère profondément avoir tort sur ce sujet, et j’espère que 2020 sera uniquement un épiphénomène. Cependant, il est désormais impossible d’écarter le risque, “Et si ?”

Le domaine de la musique live à déjà vécu ces dernières années des moments très difficiles, après 2015. Avec un surcoût sécuritaire évident. Mais les évènements actuels apparaissent presque comme un coup de grâce.

Une partie importante de mes années de concerts et de festivals est constitué (comme beaucoup) de souvenirs de gens rencontrés dans le train/bus/tram allant au festival. Presque toujours surbondé, comment après des mois de distanciation sociale convaincre les gens ?

Ces souvenirs, les artistes que l’on a vu, les bêtises que l’on a fait ou que ses amis ont fait sont ce que nous, simples festivaliers avons de plus cher. Comme le dit un des témoins de ce très bon article du site spécialisé Sourdoreille “Chaque été, c’est Noël”.

En espérant vous revoir un jour sur la plage de Bon Secours, au Parc del Forum à Barcelone, à l’Alexandra’s Palace de Londres, ou bien pour une soirée club à l’UBU (ou à l’Antipode) à Rennes.

La mer, la bière, les copains, un cadre parfait pour écouter des artistes que vous ne connaissez pas encore

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Paresseux Scribouillard

Parce que des fois, j’aime écrire plus long qu’un tweet